Depuis plus de 10 ans, les échantillons de plancton collectés par l’expédition Tara Oceans à travers les mers du monde délivrent, année après année, leurs lots de découvertes sur ces écosystèmes vitaux pour l’homme, essentiels à la régulation des cycles biogéochimiques de la planète tels que le climat. Le laboratoire Genoscope (CEA/CNRS/Université d’Evry Paris-Saclay) participe à cette grande aventure scientifique, en séquençant et analysant l’ADN présent dans les échantillons de plancton prélevés sur plus des centaines sites géographiques et à différentes profondeurs. La méthode dite de « métagénomique » appliquée par le laboratoire a démontré son potentiel en délivrant les séquences d’ADN des communautés d’organismes présentes dans les échantillons.
Parmi la diversité des espèces qui composent le plancton, les eucaryotes, organismes complexes munis d’un noyau, vivant essentiellement en surface, représentent une large part. Composés d’organismes unicellulaires, d’animaux microscopiques ou d’algues photosynthétiques, ils participent grandement aux flux de matière, d’énergie, d’oxygène des océans, et donc à l’équilibre des écosystèmes marins tout entiers.
Comparés aux procaryotes, les génomes des eucaryotes sont plus grands et plus complexes et divisés en chromosomes et souvent parsemés de régions non codantes et répétitives. Jusqu’à présent, il n’était pas possible de reconstituer les génomes individuels d’organismes eucaryotes à partir du métagénome global des échantillons d’eau de mer. Les chercheurs d’une équipe internationale pilotée par le CNRS et Genoscope (CEA/CNRS/Université d’Evry Paris-Saclay) a réussi cette performance. Ils ont tiré parti des données massives de séquences issues de près de 800 échantillons métagénomiques, représentant 280 milliards de courtes séquences d’ADN, et de l’exclusion de la plupart des organismes procaryotes grâce au fractionnement par la taille des organismes avec des dispositifs de filtres des échantillons d’eau en place sur le bateau. Ces résultats pionniers font la couverture de la revue Cell Genomics du 11 mai 2022.
Près de 700 génomes d’espèces eucaryotes de plancton ont été ainsi reconstitués, au moins partiellement. Il s’agit là de la plus précise et large représentation de la diversité du plancton eucaryote à ce jour. Les chercheurs ont pu classer ces organismes en 5 groupes fonctionnels, partageant des fonctions biologiques communes, l’un formé par les petits animaux et les quatre autres comprenant tous les organismes unicellulaires. Deux groupes réunissent étonnamment des organismes taxonomiquement très éloignés, ce qui démontre une convergence fonctionnelle pour des espèces qui cohabitent dans les océans depuis des millions d’années et ont développé les mêmes stratégies adaptatives. Ainsi, des fonctions de transport et métabolisme de sucres, peut-être liées à des préférences de proie, sont portées par un groupe de divers grands eucaryotes