Le pôle Croissance de Genopole, qui se consacre à l’accompagnement des sociétés de biotechnologie engagées sur la voie de la commercialisation et de l’industrialisation, a organisé une immersion complète de plusieurs jours aux Emirats Arabes Unis.
En ce début d’année 2025, cinq sociétés innovantes en santé, ont eu l’opportunité de découvrir le marché des Emirats Arabes Unis. Cell-Environment, Innovhem, Ispiron, PREDIDIAB et Cementic (accompagnée en partenariat avec Spartners) ont bénéficié de cet appui précieux de Genopole pour poser les premiers jalons d’un développement dans la Péninsule arabique pour consolider leur business.
S’aventurer seul sur un marché international, sans références ni contacts, s’avère très compliqué pour une startup. C’est l’intérêt de la démarche groupée entreprise par Genopole : permise par l’utilisation d’un fonds de revitalisation essonnien, la mission exploratoire menée à Dubaï fin janvier, a permis à cinq startups génopolitaines de sonder, au plus près du terrain, la réalité du marché Santé émirati, ses spécificités et ses opportunités.
Ce déplacement s’inscrit dans la continuité de missions conduites dans la Péninsule arabique depuis 2023, mais sous un nouveau format.
Genopole a décidé cette année de s’adosser à un acteur majeur de l’écosystème tech local, situé en plein cœur de Dubaï : l’incubateur In5 financé par l’Etat des Emirats arabes unis pour booster l’émergence d’innovations tech dans le pays.
Les matinées se sont déroulées à In5 et les après-midis étaient consacrées à la prospection de distributeurs, d’investisseurs et d’industriels, au congrès international Arab Health, le plus grand événement centré sur les dispositifs médicaux de la région du Golfe, où convergent 300 000 visiteurs du monde entier (startups, grands groupes, investisseurs, fournisseurs, médecins, hôpitaux…).
S’entourer de partenaires pour mieux comprendre le marché local
L’immersion dans l’incubateur In5 a offert aux startups accompagnées un programme riche d’enseignements et de rencontres, afin d’appréhender les particularités du marché santé aux Emirats.
- Comprendre l’ambition des Emirats Arabes Unis
La santé est un enjeu phare des Emirats Arabes unis, l’un des six axes prioritaires du plan d’investissement national. L’ambition est de développer une offre de santé moins dépendante des importations étrangères et adaptée à des problématiques préoccupantes de vieillissement de la population et de prévalences de surpoids (68%) et d’obésité (37,2%) parmi les plus importantes au monde…
Le marché de la santé émirati, 2e de la région après l’Arabie Saoudite, est chaque année en croissance (18,4 milliards d’euros en 2022). La volonté de l’Etat est d’augmenter la production locale de médicaments et de dispositifs médicaux, actuellement très limitée, en incitant des sociétés étrangères à s’établir, à former des collaborateurs et à commercialiser sur place … conditions de leur soutien, notamment financier.
- Comprendre les briques du système de financement émirati
L’équipe de l’incubateur In5 a décrypté pour les cinq sociétés accompagnées par Genopole, la cartographie des vecteurs de financements émirati, portés par des investisseurs privés ou publics. L’Etat pratique en effet des incitations fiscales, consacre des investissements massifs et réserve des zones franches pour favoriser la création d’infrastructures de santé et de biotechnologie.
Des ateliers pratiques ont permis le recueil d’informations utiles pour établir un plan de développement commercial et rédiger des documents juridiques conformes aux normes réglementaires du pays. Les startups ont également soumis leur pitch à l’avis critique d’un investisseur pour savoir comment l’adapter aux attentes locales.
« L’immersion dans l’incubateur In5 nous a permis de bien cerner les spécificités du marché de la péninsule arabique que nous avons identifié comme un marché porteur pour les sociétés que nous accompagnons, souligne Laurence Lacroix-Orio, directrice du Pôle Croissance de Genopole. Si la société dispose d’un produit commercialisable ou d’un prototype, les opportunités existent de toute évidence dans les pays du Golfe, avec des possibilités de commercialisation potentiellement rapides. Nous soutenons ce type de déploiement à l’international qui, générant d’autres sources de chiffres d’affaires, renforce la croissance des sociétés sur le territoire français« .
Pouvoir mesurer son potentiel marché

Grâce aux rencontres avec des investisseurs et des industriels à In5, au salon Arab Health et avec Dubaï Science Park, les startups accompagnées ont pu mesurer leur potentiel de développement business dans la Péninsule arabique.
C’est le cas de PREDIDIAB , qui conçoit un algorithme de prédiction du diabète de type 2 chez les jeunes adultes à risque, à partir d’un questionnaire (via une plate-forme numérique) puis d’un test génétique (via un kit de prélèvement salivaire).
Maxime Levallet, directeur de PREDIDIAB témoigne avoir « eu confirmation du fort intérêt des Emirats Arabes Unis pour le sujet du diabète, axe de santé prioritaire du pays avec le cancer et les maladies mentales. Pour nous, c’est une évidence, dans ce pays où plus de 25% de la population est diabétique, le marché existe. Les acteurs locaux sont très intéressés par des solutions clés en main et nous sommes pratiquement prêts. Se lancer là-bas dépend de la rationalité économique du projet mais l’instauration de rapports de confiance est aussi déterminante. Donc, il est stratégique de pouvoir être présent sur place … « .
Se projeter à l’international élargit les perspectives de croissance des startups dans des environnements parfois régis par des réglementations moins complexes qu’en Europe et possédant d’autres pratiques de consommation.
Maxime Levallet a ainsi « observé à Dubaï auprès d’investisseurs leur facilité à utiliser des dispositifs du type montre-connectée ou capteurs. La consommation de matériel médical de prévention, notamment sur le sujet du diabète de type 2, est beaucoup plus répandue qu’en France. Ce qui nous donne, je pense, des perspectives de premières commercialisations dans un délai a priori plus rapide que sur d’autres marchés géographiques« .
« Les dynamiques réglementaires, les circuits d’approvisionnement et les stratégies d’accès au marché suivent des logiques distinctes de celles observées en Europe ou aux États-Unis, confirme Samir Raddi, président de la société Cementic, innovante en santé dentaire. Cette singularité peut représenter une force ou une faiblesse selon le modèle économique adopté et le positionnement marché de l’entreprise. Une approche adaptée est donc essentielle pour maximiser les opportunités et contourner d’éventuels obstacles« .
Après ce déplacement et la participation à trois salons sur place, Samir Raddi est convaincu de « l’opportunité stratégique » que représente le marché des Emirats arabes unis pour sa société. « Certes, il n’est pas encore au niveau des États-Unis ou de l’Europe, car l’écosystème biotech y est en pleine émergence, mais les investissements sont bien présents. Si votre produit est prêt et innovant, le moment est idéal pour agir. Établir une présence dans un incubateur ou un pôle de compétitivité – de préférence à Abu Dhabi plutôt qu’à Dubaï – est essentiel pour nouer des liens avec les agences gouvernementales et accélérer notre implantation. C’est une vision que nous projetons à moyen terme« .
Cementic a mis au point un biomatériau de canal radiculaire en dose unique, combinant une nanopoudre minérale et une solution de nanoparticules lipidiques chargées en chlorhexidine pour une libération contrôlée. Ce dispositif révolutionnaire assure une éradication efficace des bactéries résiduelles, réduit significativement le risque d’échec de la dévitalisation et limite le recours aux antibiotiques.
Dans cette dynamique d’innovation, Cementic ambitionne également de développer une capacité de fabrication dédiée aux nanoparticules lipidiques, un segment technologique en forte croissance, essentiel pour garantir la maîtrise de sa chaîne de production et accélérer l’industrialisation d’autres solutions thérapeutiques.
Radhia M’kacher, PhD-HDR, PDG de Cell Environment, déjà venue l’an passé à Dubaï, confirme son intérêt pour les pays du Golfe. Spécialisée dans le domaine de la cyto-génomique, Cell Environment commercialise des prestations de service et des kits d’analyse haut-débit des télomères et des dommages de l’ADN, auprès des laboratoires et de centres de recherche publics et privés.
« Il y a un marché émergent énorme aux Emirats Arabes Unis, point d’intersection de tous les pays, mais aussi en Arabie Saoudite dont le plan Saudia Vision 2030 a pour objectif de faire du pays, un leader mondial des technologies innovantes… Beaucoup d’acteurs internationaux l’ont bien compris, des Américains, des Anglais, des Chinois et encore peu de Français. Pour accéder à ce marché, il faut avoir à la fois, un contact ayant de l’influence dans le réseau local, public ou privé et une solution prête à accéder au stade clinique. Je pense pour ma part, y installer un bureau pour nouer des collaborations avec des laboratoires et des centres hospitaliers dans l’objectif d’introduire ma technologie et d’obtenir un retour sur son impact« .
Irina Gbalou, CEO de Ispiron, a recueilli de précieuses informations lors « des workshops très instructifs de In5« , notamment la nécessité d’approcher les investisseurs, les industriels ou les distributeurs, à un stade avancé de maturité de la société, en présentant une solution finalisée ou un prototype faisant la preuve de la faisabilité de son innovation.
L’innovation d’Ispiron, un bioréacteur de dernière génération, actuellement en développement dans le but d’optimiser chaque étape du processus de culture cellulaire, a tout le potentiel pour percer le marché. Grâce à une automatisation intelligente et une surveillance en temps réel, la technologie promet des résultats fiables et économiquement viables en assurant une gestion rationnelle des ressources (milieux de culture et réactifs), pour la fabrication de vecteurs viraux comme les AAV, mais aussi un large éventail de bio-thérapeutiques, incluant les cellules CAR-T, les anticorps monoclonaux et les protéines recombinantes.
Egalement associée à la mission, INNOVHEM, dirigée par Marie Cambot, a donné de la visibilité à son innovation dédiée au diagnostic de la drépanocytose, la maladie génétique la plus fréquente au monde. Le diagnostic d’INNOVHEM, basé sur de nouveaux biomarqueurs combinés à une analyse par intelligence artificielle, permet d’améliorer et de personnaliser la prise en charge des patients.
Quid de l’après-mission ?
Les contacts noués à Dubaï vont se prolonger, avec l’accueil en juin de Vinicius de Thomaz Domingues, Innovation manager de l’incubateur In5, sur le site de Genopole : les laboratoires de Genopole pouvant constituer un point d’ancrage intéressant vers le marché européen pour les sociétés des Emirats arabes unis.
Par ailleurs, « le modèle pilote mis en place aux Emirats sera dupliqué dans le cadre de nos prochaines missions à Singapour et au Japon, indique Alexis Biton, coordinateur des Affaires internationales à Genopole. En nous appuyant sur un partenaire reconnu et soutenu par les instances publiques locales, comme In5, nous améliorons notre compréhension des enjeux et politiques gouvernementales et adaptons la délégation des sociétés que nous accompagnons aux réalités et besoins du marché local« .