H3 fait partie d’une famille de récepteurs constituant des cibles thérapeutiques sur lesquels près de la moitié des médicaments agissent.
Pourtant leur conformation spatiale reste peu connue.
L’approche démontre ici son intérêt pour mieux comprendre la fonction de ces récepteurs membranaires majeurs et mieux identifier de nouveaux candidats médicaments.
Les récepteurs membranaires : capter et transmettre le signal
Environ un tiers de nos gènes codent pour des protéines membranaires intégrales, c’est-à-dire des protéines qui traversent la membrane de nos cellules, qui est une structure majoritairement composée de phospholipides enveloppant la cellule et séparant son contenu de son environnement direct. Ces protéines jouent un rôle majeur dans la communication des cellules entre elles et déterminent ainsi le bon fonctionnement de notre organisme dans son ensemble. D’ailleurs, ces protéines représentent presque 50% des cibles des médicaments.
Parmi ces protéines de membrane, la famille des récepteurs couplés aux protéines G (RCPG), constitués d’une seule chaîne peptidique formant sept hélices transmembranaires, déterminent la majorité des réponses biologiques aux hormones, aux neurotransmetteurs, aux signaux extérieurs en lien avec l’odorat, le goût… Ils agissent en réceptionnant des signaux de l’extérieur de la cellule et en les transmettant à travers la membrane jusque dans la cellule. Concrètement, cette transmission de message se réalise par étapes : reconnaissance et liaison d’une molécule extracellulaire sur le récepteur, changement de conformation du récepteur et donc transmission du signal à travers la membrane, puis interaction avec une protéine G intracellulaire, qui déclenche une cascade de réactions biologiques dans la cellule.
Malgré leur rôle vital, l’arrangement spatial de ces protéines, crucial pour la compréhension de leur fonction, reste peu connu.
Récepteur de l’histamine H3 : un comportement complexe
Par une approche de modélisation et simulation moléculaire parue le 9 octobre 2020 dans Scientific Reports, Dr R. Charbel Maroun et ses collaborateurs du Laboratoire « Structure et Activité des Biomolécules Normales et Pathologiques » – SABNP ont décrit le comportement statique et dynamique d’un RCPG d’intérêt thérapeutique, le récepteur à l’histamine H3, qui appartient à la plus grande famille des récepteurs de signalisation de la membrane. Localisé dans le système nerveux central, sa liaison à l’histamine joue un rôle majeur dans des processus cognitifs, des fonctions comme la vigilance, l’attention et l’éveil, ainsi que dans l’épilepsie et les troubles des comportements alimentaires.
Les chercheurs du laboratoire ont modélisé la conformation et les mouvements internes du récepteur dans trois états (figure ci-dessous) :
- Lorsqu’il est activé par la présence de son ligand naturel, l’histamine (c’est ainsi que l’histamine agit sur notre organisme en assurant entre autres le maintien de notre état éveillé).
- Lorsqu’il est, au contraire, inactivé par un antagoniste synthétique puissant et spécifique, le ciproxifan (les antagonistes ou agonistes inverses sont utilisés pour des traitements de désordres du cycle sommeil/éveil, de la démence et de l’hyperactivité/déficit de l’attention ; ils ont des effets stimulants et peuvent cibler également la narcolepsie, l’épilepsie et la maladie de Parkinson).
- Lorsqu’il n’est lié à aucune molécule et qu’il montre une activité intrinsèque
Modéliser au plus proche de la réalité
Au moyen d’un système réaliste comprenant des centaines de milliers d’atomes intégrant le récepteur, la molécule ligand, la membrane plasmique et, de chaque côté de la membrane, les milieux extra- et intramembranaires, la simulation effectuée par les chercheurs a démontré la complexité des conformations spatiales adoptées par le récepteur selon son état d’activité : chaque état est microscopiquement très différent des autres et révèle un comportement dynamique complexe. Une grande partie de ces résultats ne sont pas disponibles de manière expérimentale car il s’agit de propriétés microscopiques déterminées seulement par simulation. D’autre part, la structure spatiale du récepteur n’a pas encore été obtenue.
En conclusion
Les résultats du laboratoire SABNP démontrent la complexité des mouvements dynamiques de ces récepteurs et la difficulté de prédire avec précision l’effet d’un ligand donné (et donc d’un candidat médicament).
Compte tenu de l’importance pharmacologique de ces récepteurs, notamment de l’intérêt de rechercher des antagonistes aux effets stimulants pour traiter des conditions neurodégénératives, une telle approche de modélisation-simulation sera particulièrement utile pour mieux identifier ou concevoir des candidats médicaments qui induiront une réponse du récepteur et donc l’effet thérapeutique souhaité.