Plus de 7000 étudiants et professionnels du domaine étaient rassemblés, dont Genopole, présentant son offre sur son stand et soutenant l’équipe Évry Paris-Saclay.
Les 17 étudiants, qui concourraient avec 400 équipes de 66 pays du monde entier, ont réalisé un très beau palmarès avec leur projet OptoGenEYEsis.
L’équipe évryenne est médaillée d’or pour avoir rempli tous les critères scientifiques et techniques du concours, fait partie des 4 nominés pour le prix du meilleur outil Software et surtout, remporte pour la première fois le prix du meilleur Hardware, récompensant la conception d’un automate multifonction de laboratoire novateur, miniaturisé et piloté par intelligence artificielle.
Ioana Popescu, enseignant-chercheur qui encadre l’équipe depuis 7 ans, et Georges Sainte-Rose, étudiant activement impliqué dans l’équipe évryenne depuis 3 ans, lauréat du programme Shaker de Genopole en 2022, témoignent.
Ioana Popescu, enseignant-chercheur en biologie de synthèse et ingénierie métabolique (UMR 8030 Génomique Métabolique CEA-CNRS-UEVE, Genoscope), responsable des équipes iGEM évryennes depuis 2017 :
Qu’est-ce qui vous motive à continuer d’encadrer chaque année la nouvelle équipe évryenne pour la compétition iGEM?
Ioana : « En faisant iGEM, chaque année je change de sujet de recherche, je découvre des nouvelles thématiques, je consulte des articles scientifiques que je n’aurais peut-être jamais trouvé le temps de lire…, c’est très passionnant.
Je ne m’ennuie jamais !
Et bien sûr, ce qui me motive est aussi d’aider des étudiants, qui arrivent là avec leurs rêves, à grandir. Cependant, je les ramène toujours à la réalité, ce qui est possible, ce qui ne l’est pas. J’essaie de les encadrer pour faire en sorte que toutes les expériences soient faites d’une manière rigoureuse, à leur faire pointer tous les contrôles qu’on doit avoir pour pouvoir tirer des conclusions basées sur des données pertinentes. Certains étudiants sont passionnés, travailleurs, persévérants même quand ils se rendent compte de la quantité de travail et d’expériences qu’il faut faire, et d’autres trouvent ça ennuyant parce qu’ils n’arrivent pas à faire aussi vite. »
Qu’est-ce qui est difficile dans la compétition iGEM ?
Ioana : « C’est le stress car on n’a pas une heure, on n’a pas une minute à perdre parce qu’il y a énormément de travail à faire.
C’est stressant sachant que les étudiants pensent qu’ils ont le temps. On a des contraintes liées à la biologie elle-même qui ne laissent pas le temps de se tromper. »
Vous qui encadrez l’équipe depuis des années, qui êtes responsable du master, comment voyez-vous l’avenir de la biologie de synthèse ?
Ioana : « Je vois une autre manière de concevoir la biologie en tant que science.
La révolution de la chimie synthétique nous a permis de vivre plus longtemps et en meilleure santé.
Je pense que c’est ce qui va se passer aussi avec la biologie. Ce n’est que le début.
La biologie de synthèse peut vraiment changer nos vies, apporter des solutions pour la santé mais aussi pour l’environnement, découvrir et créer de nouveaux médicaments, recycler nos déchets. »
Que représente iGEM ?
Qu’est-ce qui vous attire particulièrement dans la biologie de synthèse ?
Ioana : « Participer à la compétition iGEM et notamment à la Grand Jamboree ça donne de l’espoir pour l’avenir.
Voir autant de jeunes qui sont là, vraiment passionnés par ce qu’ils font, fiers de leurs projets, de la solution qu’ils ont trouvée pour sauver le monde.
A la Grand Jamboree, les étudiants découvrent tous les autres champs d’applications possibles, pas juste ce qui est fait dans le laboratoire où ils menaient leur projet. Ils vont ensuite aller dans des laboratoires partout dans le monde, que ce soit dans le public ou le privé, et venir avec cette façon d’aborder les défis de la biologie.
Je pense que la biologie de synthèse n’est pas un un sous-domaine de la biologie, mais une approche, une autre façon de penser la biologie. »
Georges Sainte-Rose, étudiant en Master 2 Systems and Synthetic Biology (mSSB) et membre de l’équipe Évry Paris-Saclay depuis 3 ans, lauréat en 2022 de l’édition 10 du Shaker (programme d’incubation de startup innovante au Genopole) :
Qu’est-ce qui vous motive à participer à ce projet iGEM ?
Georges : « L’innovation, la science ! C’est une si riche opportunité d’avoir dans notre parcours étudiant l’accès à des projets de portée mondiale, une subvention conséquente nous permettant de travailler durant de nombreux mois, l’accès à un laboratoire, en somme le rêve de tout étudiant scientifique passionné. Quelle formidable aventure, nous permettant d’accumuler de l’expérience, de développer des technologies intéressantes pouvant nous servir pour un prochain sujet de recherche doctoral, et le reste de notre parcours ! »
Et qu’est-ce que le concours iGEM vous apporte ?
Georges : « Tout ! La microfluidique digitale, technologie m’ayant ouvert les portes de nombreuses opportunités académiques et professionnelles, je l’ai découverte durant mes recherches pour le sujet iGEM 2021. C’est de là que crescendo j’ai gagné en expérience, j’ai commencé à prototyper, puis j’ai été sélectionné au sein du prestigieux incubateur de startup Shaker à Genopole.
Je reparticipe à nouveau à l’iGEM pour accroître encore plus ma compétence sur ce domaine mais aussi faire connaître cette technologie au monde, parce qu’on a quand même accès ici à plus de 60 pays ; on est sur une scène internationale, avec des possibilités de rencontres, de promotion et de réseautage phénoménales. On parle à des équipes du monde entier et tout le monde prend conscience de la microfluidique digitale en passant sur notre stand donc c‘est vraiment une opportunité de publicité extrêmement intéressante. »
Pourquoi la biologie de synthèse vous intéresse particulièrement ?
Georges : « C’est le futur !
On peut par exemple imaginer la bioproduction de quasiment n’importe quel composé organique de haute valeur ajoutée dans des châssis de type microalgues, ne nécessitant qu’eau de mer, soleil, et apports minéraux mineurs, par exemple issus de l’assainissement des eaux.
Je suis passionné par la création d’outils innovants qui apportent des solutions à des problèmes concrets.
Rejoignant l’intelligence artificielle, le quantique et les semi-conducteurs, la biologie synthétique fait partie depuis octobre 2023 des 4 grands secteurs technologiques de pointe, reconnus comme essentiels par l’Europe en termes de sécurité économique et d’enjeux géopolitiques, pour faire face aux défis actuels et futurs, qu’ils soient industriels ou écologiques.
La biologie de synthèse, c’est vraiment le futur !
Le domaine n’a pas été à la hauteur des premiers espoirs en termes d’opportunités économiques, alors que c’était le rêve initial depuis 20 ans, principalement parce qu’il manquait de nombreux outils, comme toutes ces technologies d’IA et d’automatisation du travail à grande vitesse. Aujourd’hui, c’est vraiment en train de changer, les IA et les plateformes d’automatisation commencent à permettre de tester des milliers de constructions génétiques possibles à très haut débit et de garder les meilleures.
Les solutions d’automatisation abordables, performantes et intelligentes me semblent vraiment l’élément clé pour faire sauter les verrous et atteindre l’âge d’or de la biologie de synthèse et des biotechnologies en général.
Le travail pénible et lent de recherche, quasiment artisanal, pipette à la main, je ne suis pas persuadé que ça perdure d’ici une ou deux décennies. »
Ioana et les membres de l’équipe réagissant à l’annonce du prix Best Hardware :
« On est très heureux parce que ça faisait 10 ans qu’on n’avait pas eu de prix. Ça récompense le travail de toute l’équipe et surtout celui de Georges.
C’est une formidable opportunité pour continuer à développer cette technologie. »
Une équipe pluridisciplinaire enthousiaste
L’équipe Evry Paris-Saclay était composé cette année de 11 étudiants de l’Université d’Évry Paris-Saclay dont 6 du master mSSB, une étudiante du Muséum National d’Histoire Naturelle débutant une thèse au Genoscope, 5 élèves-ingénieurs de CentraleSupelec et un de l’Ecole Polytechnique, consolidant ainsi le lien avec le territoire de Paris-Saclay.
Le projet OptoGenEYEsis : améliorer les traitements des maladies de la vision
Le projet de l’équipe iGEM Evry Paris-Saclay « OptoGenEYEsis » présenté à la Grand Jamboree iGEM 2023 vise à exploiter le potentiel de la biologie de synthèse et l’évolution dirigée pour améliorer l’efficacité, aujourd’hui insuffisante, des thérapies géniques des maladies de la vision.
L’objectif final est de transformer les cellules rétiniennes survivantes, mais non sensibles à la lumière, en photorécepteurs artificiels en introduisant des opsines microbiennes.
En effet, ces traitements utilisent les propriétés de ces protéines photosensibles. L’approche, appelée « optogénétique », combine les principes de la biophotonique (l’utilisation de la lumière pour l’étude du vivant) et du génie génétique, d’où le nom donné par l’équipe iGEM Évry Paris-Saclay au projet présenté à la Grand Jamboree iGEM 2023.
Les opsines sont naturellement présentes dans nos cellules photoréceptrices et transforment la lumière en un signal électrique que notre cerveau perçoit et traduit en image. Chez les personnes atteintes de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) ou de rétinite pigmentaire, les cellules photoréceptrices se dégradent progressivement, et les opsines qu’elles produisent disparaissent avec elles. Cela conduit à une perte de vision, puis une cécité.
La thérapie génique consiste à faire produire des opsines aux cellules neuronales qui subsistent, normalement non productrices. Les opsines animales sont trop complexes mais il est possible d’y parvenir avec des opsines microbiennes, de fonctionnement plus simple et dont les gènes, plus petits, peuvent être insérés dans des vecteurs de thérapie génique. Cependant, les opsines microbiennes actuellement testées en essai clinique révèlent un spectre d’absorption étroit, une faible sensibilité à la lumière et une conversion peu efficace de la lumière en signal électrique dans le système nerveux.
Comment optimiser les opsines microbiennes ?
C’est ce que l’équipe iGEM Évry Paris-Saclay a entrepris de résoudre dans son projet OptoGenEYEsis, en travaillant sur plusieurs axes :
- La recherche d’opsines plus efficaces dans la nature, en suivant les conseils des chercheurs de Genoscope impliqués dans le projet Tara Oceans, à partir des données de séquences d’ADN de micro-organismes marins, vivant pour certains dans des profondeurs de faible intensité lumineuse ;
- La recherche d’une méthodologie de criblage des opsines et le développement de l’outil technologique associé ;
- L’obtention d’opsines améliorées par évolution dirigée, à l’aide de l’outil Evolution.T7 développé par l’équipe iGEM Évry Paris-Saclay en 2021
- Pour améliorer l’identification d’opsines performantes, le développement d’un appareillage permettant l’automatisation du criblage par microfluidique digitale.
La méthode, émergente et extrêmement prometteuse, automatise à très haut débit non seulement le test d’efficacité des opsines dans des micro-gouttes d’eau, mais permet aussi d’automatiser la quasi-totalité des protocoles de laboratoire mis en œuvre tout au long du projet.
C’est une véritable micro-biofonderie multifonction, pilotée par intelligence artificielle.
C’est ce dernier axe de travail qui a valu à l’équipe de remporter le prestigieux prix Best Hardware et d’être nominé pour le prix Best Software Tool.
Ce prix spécial place l’équipe d’Évry Paris-Saclay en tête d’une centaine d’équipes en lice dans la catégorie Overgrade (plus de 23 ans), représentantes pour certaines d’universités de niveau mondial (MIT, Harvard, Stanford…), et la nomination pour le prix Software la classe parmi les 4 meilleures équipes Overgrade.
Le dernier prix remporté par les équipes de Paris-Saclay, le prix Best Human Practices, datait de 2013.