Global Bioenergies est une des rares entreprises, à l’échelle mondiale, à avoir obtenu la certification ASTM (American society for testing and materials) : le sésame pour pénétrer le marché du carburant d’aviation durable.
Son fondateur et directeur général, Marc Delcourt, nous explique les perspectives qu’elle ouvre pour le développement de son entreprise, créée et installée à Genopole depuis 2008.
En quoi la certification internationale ASTM est-elle cruciale ?
Marc Delcourt : « La certification ASTM est absolument indispensable pour exister dans le domaine de l’aérien. Aujourd’hui de nombreuses solutions nouvelles sont proposées, mais seuls ceux dont la technologie est certifiée par l’ASTM, ont vraiment la parole.
L’ASTM regroupe tous les industriels de l’aérien, soit plus d’un millier d’acteurs, les avionneurs, les motoristes, les fournisseurs de carburant …, qui se penchent sur tous les paramètres des solutions proposées et ne les autorisent que sous réserve d’un vote à l’unanimité de tous les membres. Ce que l’on a obtenu au mois de juin 2023 ».
Comment se positionne Global Bioenergies dans l’évolution du marché des carburants aériens durables ?
Marc Delcourt : « La part des carburants d’aviation durable est minime : elle ne représente qu’environ 1 pour 1000 du marché mondial du kérosène. Le pays leader mondial du carburant d’aviation durable, c’est la France : il y a obligation d’incorporer 1% de carburant d’aviation durable pour tous les vols au départ de la France, soit 10 fois plus que la moyenne mondiale.
A l’horizon 1 janvier 2025, l’Europe tout entière va s’y mettre et passer à 2%. Le marché atteindra alors environ 1 million de tonnes en Europe. En 2030, le taux passera à 6% et le marché pour l’Europe montera à 4 millions de tonnes environ.
Aujourd’hui, les seuls carburants d’aviation durable qui existent, sont à base d’huiles de friture usagées. Le producteur n°1 mondial est le pétrolier finlandais Neste. TotalEnergies et Shell sont également présents sur cette approche. Le million de tonnes de 2025 sera couvert avec ces capacités de production. L’après 2025 présente en revanche beaucoup d’incertitudes, puisque les huiles de fritures usagées ne représentent pas une ressource infinie… Nous visons l’échéance 2030, et comptons contribuer à la production des 4 millions de tonnes nécessaires pour atteindre le taux de 6% ».
Comment seront produits les carburants d’aviation durable après 2025 ?
Marc Delcourt : « Il existe trois grandes approches technologiques. L’une est basée sur la thermochimie. Des copeaux de bois ou des déchets verts municipaux sont transformés en kérosène avec une approche de chimie à haute température. La deuxième, c’est la fermentation dans laquelle on s’inscrit. Notre procédé permet de bioproduire une molécule, l’isobutène, brique élémentaire de la pétrochimie, par fermentation de bactéries nourries avec des sucres végétaux issus de déchets agricoles et forestiers… La troisième regroupe ce qu’on appelle les e-carburants. L’idée est d’utiliser le CO2 de l’air ou le CO2 industriel, combiné à de l’hydrogène produit par des énergies renouvelables, pour fabriquer des hydrocarbures … Cette option technologique est encore loin d’être industrialisée aujourd’hui ».
Qu’en est-il de la concurrence nationale ou internationale ?
Marc Delcourt : « Sur la cosmétique, nous n’avons pas de concurrent direct. Sur les carburants d’aviation, la technologie à base d’huiles de friture usagées va faire le marché à court terme. Pour le marché à plus long terme, une dizaine de technologies s’inscrivant dans les trois grandes options techniques décrites précédemment, devraient contribuer au marché de 2030. On peut imaginer que plusieurs technologies seront utilisées en même temps. Complémentaires, elles amélioreront chacune certaines propriétés du kérosène ».
Quelles sont les capacités de production de la technologie par fermentation de Global Bioenergies ?
Marc Delcourt : « Aujourd’hui, nous avons une petite usine à l’échelle de dizaines de tonnes par an centrée sur les marchés de niche de la cosmétique. Nous avons un projet d’usine à l’horizon 2026 pour augmenter notre production d’isododécane biosourcé, destinée au marché de la cosmétique. Et une seconde usine avant la fin de la décennie, peut-être en 2028, sur un site de notre partenaire Cristal Union dans le nord-est de la France, pour atteindre une production de 30 000 tonnes par an pour les marchés de la cosmétique et des carburants aériens ».
L’innovation de Global Bioenergies est identifiée et soutenue par l’Etat dans le cadre de l’appel à projets « Première usine », cette aide est-elle importante pour votre développement ?
Marc Delcourt : « La réindustrialisation de la France ne se fera pas sans un soutien public fort. Ce sont des projets lourds, difficiles. Nous poursuivons notre R&D, la technologie continue de progresser, les performances s’améliorent… On est passé du démonstrateur à cette usine actuelle en 2022. Les progrès industriels se conjuguent avec le progrès au niveau de la souche elle-même. C’est un peu comme dans un ordinateur, la souche c’est le software et l’usine, c’est le hardware. La conjonction de l’un et l’autre concourt à la réduction des coûts ».
Le prix du pétrole reste bas mais l’instauration de nouvelles réglementations pour accélérer la transition écologique, vous ouvre des perspectives qui n’existaient pas il y a seulement quelques années …
Marc Delcourt : « Oui, c’est très clair, la prise de conscience de l’urgence environnementale se généralise progressivement. Nous nous attendons à ce qu’une partie croissante des financements publics et privés soient maintenant fléchés vers des projets à impact environnemental. Cela sera indispensable si l’on souhaite infléchir la trajectoire du réchauffement climatique… ».
Mise à jour :
L’obtention de la certification ASTM permet à GBE de revoir à la hausse le dimensionnement de sa future usine afin de mieux répondre aux marchés des carburants d’aviation et de la cosmétique.