L’équipe de Pharmacologie des dystrophies musculaires de Xavier Nissan à I-Stem, en collaboration avec Isabelle Richard du laboratoire Généthon et la société Kantify, a identifié une combinaison pharmacologique au mode d’action innovant, potentiellement efficace pour lutter contre les myopathies des ceintures de types R3 et R5 mais aussi contre la mucoviscidose. La découverte résulte du mariage d’expertises sur les modèles cellulaires des maladies, le criblage à haut débit de médicaments, les mécanismes des myopathies ainsi qu’en intelligence artificielle.
La myopathie des ceintures de type R3 se traduit comme toutes les dystrophies musculaires des ceintures par un affaiblissement progressif des muscles des épaules et du bassin. Elle est causée par une absence de la sarcoglycane alpha. Cette protéine fait partie du complexe dystrophine-glycoprotéines qui, inclus dans la membrane des muscles striés, les protège contre les dommages induits par la contraction musculaire. La mutation la plus fréquente responsable de la maladie, dite « R77C », est la substitution d’un acide aminé qui provoque un repliement anormal de cette protéine du complexe. Repéré par le contrôle qualité de la cellule, la protéine mutée est dégradée par un organite cellulaire, le protéasome.
Les deux laboratoires génopolitains I-Stem et Généthon (AFM-Téléthon, Inserm, Université d’Evry Paris-Saclay) ont cherché à identifier les médicaments qui inhibent la dégradation de la protéine mal repliée car même mutée, celle-ci reste en partie fonctionnelle. Ils ont développé un modèle cellulaire de la maladie à partir de fibroblastes issus de patients, puis ont testé dessus 958 médicaments déjà autorisés par la FDA pour d’autres usages. Le repositionnement de médicaments déjà approuvés représente un gain potentiel de temps pour les malades. Les molécules ont été testées seules ou en combinaison avec une faible dose de bortézomib, connu pour inhiber le protéasome mais aux effets secondaires toxiques à dose efficace. L’objectif était d’améliorer la sauvegarde de la protéine mutée sans augmenter les effets cellulaires toxiques du bortézomib. L’outil d’intelligence artificielle de Kantify, entraîné par un apprentissage automatique sur 150 000 composés, a été appliqué. Utilisant les propriétés connues des médicaments et les résultats des présents essais, il a classé les molécules en fonction de la balance bénéfice – risque et prédit ainsi le succès potentiel de leur développement clinique.
Les équipes évryennes ont identifié par cette étude 47 composés au potentiel thérapeutique dont le givinostat, qui présente une puissante capacité à restaurer l’expression de la forme mutante de la protéine dans la membrane cellulaire et qui fait actuellement l’objet d’un essai clinique de phase III pour la dystrophie musculaire de Duchenne, avec des résultats préliminaires concluants. L’effet du givinostat est lié à la voie de dégradation autophagique, le système de la cellule complémentaire du protéasome pour assurer l’élimination des protéines anormales.
Les travaux des deux laboratoires I-Stem et Généthon, publiés dans Frontiers in Pharmacology le 27 avril 2022, ont non seulement identifié la combinaison givinostat + bortézomib, prometteuse contre la myopathie des ceintures de type R3, mais ils ont mis en lumière le double mécanisme (autophagique et protéasomique) impliqué dans la dégradation de la protéine mutée. Cette découverte a permis d’étendre l’étude à deux maladies partageant des défauts de dégradation des protéines similaires, la myopathie des ceintures de type R5 et la mucosviscidose, et de montrer sur elles aussi un effet positif de la combinaison pharmacologique.