L’aérolysine est une toxine naturelle de la bactérie Pseudomonas Aeruginosa qui agit en formant des pores de taille nanométrique dans les membranes des cellules qu’elle infecte. Ce nanopore naturel peut être utilisé comme un capteur ultra-sensible, sélectif et spécifique pour de nombreuses applications en biotechnologie (Cressiot et al., 2019, ACS Sensors). L’équipe du Lambe a exploité les propriétés du nanopore d’aérolysine et montré qu’il est possible, en conditions expérimentales contrôlées, d’identifier 13 des 20 acides aminés naturels en les faisant traverser le nanopore.
Un signal électrique spécifique lors du passage dans le nanopore
Chaque acide aminé est attaché à un peptide chargé positivement. Sous l’action d’un champ électrique, l’acide aminé ainsi lié entre dans le nanopore et y reste temporairement confiné. Il bloque ainsi le courant électrique, générant une signature électrique spécifique. Le nanopore est suffisamment sensible pour détecter également des modifications post-traductionnelles, c’est-à-dire les modifications chimiques subies par les acides aminés après la synthèse des protéines. Ces modifications sont importantes car elles régulent l’activité cellulaire des protéines.
Pourquoi caractériser le protéome ?
Ce travail est une première étape vers le séquençage des protéines qui assurent le fonctionnement cellulaire.
Accéder au séquençage du « protéome » d’une cellule ou d’un fluide biologique constitue un enjeu majeur de santé publique. En effet, tout comme le génome désigne l’information génétique totale d’un organisme, son protéome représente l’ensemble des protéines exprimées par les gènes, ainsi que les modifications chimiques qu’elles subissent. Le protéome assure le fonctionnement de l’organisme.
Contrairement au génome, le protéome varie en fonction de l’activité des cellules. Quand les cellules dysfonctionnent, notamment lors d’une maladie, le protéome en porte les marques. Caractériser finement le protéome pourrait ainsi conduire au diagnostic précoce de maladies graves comme les cancers, à la prévention de leur récidive, voire aider aux traitements personnalisés.
La perspective de ce travail est l’identification des sept acides aminés restants grâce aux progrès de l’instrumentation et à l’ingénierie des nanopores. Cette étude pourrait ensuite ouvrir la voie au séquençage des protéines par nanopore d’aérolysine, à l’échelle de la molécule unique.
Ce travail publié dans Nature Biotechnology (2020) fait suite à une première étude publiée dans Nature Communications (2018) sur la détection et la détermination de la taille et séquence d’homopeptides à l’aide de ce nanopore. Il résulte d’une collaboration entre le LAMBE, l’Hôpital Lariboisière, la start-up DreamPore, l’université de l’Illinois et l’université de Freiburg.