Virginie Mournetas et l’équipe des maladies des muscles dirigée par Christian Pinset de l’Institut des cellules souches I-Stem (Inserm UMR 861, AFM-Telethon) révèlent que des dérégulations moléculaires associées à la myopathie de Duchenne apparaîtraient au cours du développement embryonnaire, avant même l’apparition du tissu musculaire. Un modèle cellulaire in vitro de la formation du muscle, créé à partir de cellules souches pluripotentes, et une approche multi-omique sont à l’origine de la découverte.
La myopathie de Duchenne, maladie génétique rare touchant un garçon sur 5 000, provoquant une dégénérescence progressive des muscles, est diagnostiquée vers l’âge de 4 ans alors que les dommages musculaires sont déjà importants. Ce diagnostic tardif limite potentiellement l’efficacité des traitements, alors que certains résultats, en partie issus des recherches d’I-Stem, suggèrent que la maladie pourrait apparaître avant la naissance. L’objectif du laboratoire est de mieux définir le moment des premières manifestations de la maladie.
L’équipe d’I-Stem a mis en place une étude originale de la survenue de la myopathie de Duchenne grâce à un protocole de différenciation de cellules souches iPS en cellules du muscle. Le procédé reconstitue fidèlement les étapes clés de la formation du muscle squelettique au cours du développement embryonnaire : formation du mésoderme, puis du somite, une structure intermédiaire, et apparition des myotubes (cf. photo), les cellules précurseurs des fibres musculaires. Le protocole a été appliqué à des cellules iPS soit saines, soit issues de personnes malades. Des analyses multi-omiques (transcriptomique, microARN, protéomique) ont été réalisées à 5 temps durant les 25 jours de différenciation en myotubes de manière à déterminer l’activité moléculaire des cellules saines et malades.
Dès le stade du somite, 10% du transcriptome (ensemble des gènes exprimés par les cellules) montrent des dérégulations dans les cellules issues de patients comparées aux cellules saines. Elles concernent notamment des gènes mitochondriaux connus pour leur implication dans la maladie.
Cette découverte inédite en faveur d’une manifestation très précoce de la myopathie de Duchenne, au cours du développement embryonnaire et avant même la formation du muscle, amène à reconsidérer la mise en place de la maladie. En particulier, la protéine responsable, la dystrophine dont les mutations sont connues pour affecter gravement les fibres musculaires, pourrait avoir d’autres effets. Cette piste mérite d’être explorée pour expliquer peut-être certains symptômes observés au-delà des muscles. A cette fin, l’ensemble des analyses de l’étude ont été regroupées dans une banque de données accessible à la communauté scientifique.