Pour les deux maladies, les cellules constituant la charpente des tissus de notre corps, les fibroblastes, subissent une reprogrammation de leur métabolisme les transformant en cellules agressives.
Les chercheurs de GenHotel font l’hypothèse que les fibroblastes s’adaptent à l’environnement cellulaire toxique créé par les maladies et que ce processus participe à l’aggravation de celles-ci. Le laboratoire lance une étude pour élucider le phénomène, qui représente une cible potentielle de nouveaux médicaments.
Dans notre organisme, les fibroblastes sont les cellules les plus abondantes du tissu dit « conjonctif » qui soutient les différents tissus, les sépare les uns des autres et assure les échanges entre eux. Les fibroblastes modulent la composition de la matrice extracellulaire et régulent de nombreux processus physiologiques. Ils constituent le cadre structurel – le « stroma » – des tissus et jouent notamment un rôle essentiel dans le processus de cicatrisation.
Les fibroblastes peuvent également subir des transformations en réponse à certains stimuli et présenter des phénotypes agressifs. C’est ce qu’on appelle la reprogrammation métabolique.
Des similitudes entre polyarthrite rhumatoïde et cancer
La reprogrammation métabolique des fibroblastes est un événement critique qui contribue à leur transition de cellules quiescentes (au repos) à des cellules activées et agressives. A partir d’une revue de littérature, Anna Niarakis (MCF), Sahar Aghakhani (doctorante, université Paris Saclay), Naouel Zerrouk (doctorante, CIFRE SANOFI) du laboratoire GenHotel constatent que l’altération du métabolisme est comparable entre les fibroblastes associés à la polyarthrite rhumatoïde et ceux avoisinant les cellules cancéreuses. Dans les deux cas, notamment, le métabolisme du glucose est augmenté.
Le phénomène de reprogrammation métabolique des fibroblastes est associé à la progression du cancer et à son échappement aux thérapies anticancéreuses. Pour la polyarthrite rhumatoïde, il contribue à la chronicité de la maladie et à l’inflammation aigüe des articulations.
L’hypothèse : les fibroblastes s’adaptent aux conditions toxiques créées par les maladies
L’équipe de GenHotel suggère que l’environnement cellulaire dans les articulations atteintes par la polyarthrite rhumatoïde et autour des tumeurs crée des conditions toxiques similaires qui favorisent le changement d’état des fibroblastes en cellules activées. La transformation progressive des fibroblastes contribuerait elle-même à l’amplification du processus pathologique pour les deux maladies. Des hypothèses de mécanismes complexes que des approches de biologie des systèmes peuvent explorer !
Elucider les mécanismes clés et identifier des cibles thérapeutiques grâce à la bio-informatique des systèmes
Les chercheurs du laboratoire GenHotel lancent une étude soutenue par une bourse doctorale de l’Université Paris-Saclay pour comparer et mieux comprendre le phénomène de reprogrammation métabolique des fibroblastes impliqué dans ces deux maladies, notamment pour les voies participant à la régulation du métabolisme du glucose.
L’équipe est spécialiste en biologie systémique et en bio-informatique. Elle développe pour l’étude des maladies complexes des approches de modélisation des systèmes biologiques et de cartes d’interactions moléculaires, qui s’appuient sur les avancées dans les domaines de la transcriptomique, protéomique, immuno-métabolomique et métabolomique. Ces méthodes offrent une description précise des réseaux biochimiques des cellules et la possibilité de simuler in silico l’effet de perturbations telles que l’inflammation, l’apport insuffisant d’oxygène, les dérivés actifs de l’oxygène (radicaux libres…), auxquelles les fibroblastes sont sujets dans le cas présent de la polyarthrite rhumatoïde et du cancer.
Illustration : Rôle des fibroblastes dans le processus pathologique et la progression des deux maladies