AB Science, créée en 2001, cotée sur Euronext depuis 2010 (586 M€) emploie plus d’une centaine de salariés, au siège à Paris, dans ses locaux de R&D à Genopole (Evry-Courcouronnes), Magny-les-Hameaux (Yvelines), Marseille et Lyon.
La biotech française, dirigée par Alain Moussy et dont le président du comité scientifique est Olivier Hermine, membre de l’Académie des Sciences, annonce depuis cet été une série de résultats positifs pour l’efficacité de son produit, le masitinib, à l’endroit de plusieurs pathologies : la sclérose en plaques, l’asthme sévère non contrôlé par les cortico-stéroïdes oraux, la Covid-19, la sclérose latérale amyotrophique… et d’autres sont à venir pour la maladie d’Alzheimer notamment.
Interview de Laurent Gros
Etabli à Genopole, Laurent Gros, responsable du programme de Drug Discovery de AB Science, précise le programme de développement clinique très avancé du masitinib.
Vous venez d’annoncer des résultats extrêmement prometteurs pour le traitement des deux formes progressives de la sclérose en plaque …
Laurent Gros : « C’est la première fois au monde qu’un produit thérapeutique obtient de tels résultats dans les deux formes progressives de la sclérose en plaques (SEP). Les traitements actuels ne concernent que 50% des patients : ceux répondant à la modulation du système immunitaire acquis, s’appliquant donc à la forme récurrente de la maladie (voir encadré ci-dessous). Le masitinib, inhibiteur de tyrosine kinase actuellement en phase III, vise les patients répondant à la modulation du système immunitaire inné. Nous apportons la preuve clinique, avec cette étude menée auprès de 656 patients, que cibler le système immunitaire inné est une stratégie efficace pour ralentir la progression de la forme progressives de la SEP. Ces résultats ont été annoncés ces derniers jours lors du congrès international de la sclérose en plaque ».
Cela signifie-t-il que l’on peut espérer une guérison de ces formes de SEP grâce au masitinib ?
Laurent Gros : « Il est illusoire de croire que le masitinib, administré sous forme de cachet, pourrait guérir cette maladie grave et complexe mais s’il peut freiner la progression de la maladie, le bénéfice pour les malades serait énorme. Leurs conditions de vie s’en trouveraient radicalement améliorées, avec moins de rechutes, un déclin ralenti et la nécessité de se déplacer en chaise roulante repoussée voire évitée. Par ailleurs, les résultats de notre étude montrent que le masitinib n’est pas immunosuppresseur et n’entraîne que peu d’effets secondaires. Il peut donc être administré à long terme, ce qui est important pour les patients. Nous allons lancer en 2021 un essai phase III confirmatoire. A partir du recrutement de patients, au moins trois ans d’études cliniques sont nécessaires ».
De récents résultats démontrent une activité antivirale du masitinib contre le SARS-CoV-2, pouvez-vous nous en dire plus ?
Laurent Gros : « Compte-tenu de l’urgence, les stratégies de recherche de traitements contre la Covid-19 reposent très majoritairement sur le repositionnement de médicaments existants. Des scientifiques de l’université de Chicago ont ainsi criblé 1900 molécules connues. Le masitinib s’est avéré la molécule la plus puissante pour inhiber l’activité de la protéase principale du SRAS-CoV-2, cruciale dans la réplication virale (Article « Drug repurposing screen identifies masitinib as a 3CLpro inhibitor that blocks replication of SARS-CoV-2 in vitro). Les résultats ont été obtenus sur un modèle artificiel in vitro. Il s’agit maintenant de réaliser une preuve de concept in vivo. Les Américains nous ont contactés pour optimiser leur protocole. Les bases d’une potentielle collaboration sont établies dans l’indication d’une action anti-virale du masitinib contre la Covid 19. Les scientifiques américains ciblent des populations de patients en début de maladie. De notre côté, nous sommes en essai clinique de phase II sur l’action anti-inflammatoire du masitinib pour les formes graves de la maladie, causées par une réaction immunitaire trop forte de l’organisme, pouvant entraîner la mort ».
Quelles sont les autres pistes explorées ?
Laurent Gros : « Les résultats obtenus par les universitaires américains laissent penser que le masitinib serait actif sur d’autres classes virales proches du coronavirus, ce qui ouvre un large champ d’applications en thérapies antivirales. Nous avons également présenté, lors d’un congrès mondial, début septembre, les résultats prometteurs d’une étude de phase III conduite sur des centaines de patients souffrant d’asthme sévère. Nous sommes par ailleurs en phase III dans la maladie d’Alzheimer, dans laquelle la composante inflammatoire médiée par les mastocytes semble jouer un rôle important. L’objectif de cette phase III est de confirmer que l’action sur ce paramètre a un effet positif sur l’évolution de la maladie, comme la phase II préalable semble l’avoir établi ».
Quel est votre business model ?
Laurent Gros : « Notre objectif est de poursuivre nos recherches de façon indépendante. Nous gardons tous les droits. Ce qui nous permet de conserver note flexibilité, notre réactivité, notre créativité. Croître c’est bien, mais il faut le faire de façon raisonnable ».